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Le Patrimoine sadébrien

 

LES MOISSONS ET BATTAGES DES ANNEES 1930 - 1960

 

      Dès le début du mois  de juillet,  on pouvait regarder les champs de blé aux épis dorés onduler sous le vent : le temps des moissons arrivait.

     Dans les années 1930,  après le premier tour de la pièce coupé à la faux, il n'était pas rare de voir en action une moissonneuse-lieuse tirée par deux bœufs puis par des chevaux. Les dents bien aiguisées de la lame de coupe faisaient tomber les brins de blé,  puis ils  étaient groupés et ficelés en gerbes. Le paysan et ses journaliers  les disposaient en « citios » (superposition  dans le même sens de cinq gerbes en tas et en quatre branches, le tout couronné d'une autre gerbe posée sur le dessus, destinée à protéger les épis de la pluie. Un citio se composait de 21 bottes.

    Sur une charrette, les gerbes allaient être chargées une à une à la fourche puis ramenées à la ferme pour être montées en gerbier afin d'attendre le passage de la batteuse.

 

LES BATTERIES

    Une batteuse était la propriété d'une seule personne qui  offrait ses services sur une ou deux communes. Ainsi l'agriculteur,  son commis ou le métayer, allait travailler pendant un mois de ferme en ferme.

 

    Le grand jour approche, une effervescence se fait sentir ; à la cuisine, les femmes préparent surtout des produits de la ferme : pâtés, rillettes, volailles, les mojettes blanches avec du goret, la poule au pot et ses légumes ! Pensez donc, une bonne vingtaine d'hommes à nourrir matin, midi et soir durant au moins deux jours suivant l'importance de la ferme et, en plus, il faut essayer de varier les menus par rapport au dernier voisin.

 

    La veille au soir, la batteuse est installée, une énorme machine rouge foncé, avec des courroies, des poulies - des grosses, des petites - en tous sens. Il fallait qu'elles soient tendues mais pas trop sinon elles se déchiraient. Une locomotive à vapeur - puis plus tard un tracteur «  Société » - entraînait le système et dans un vacarme assourdissant de sifflements et  de poussière, la machine s'ébranlait. Un chemin de tuyaux partait de la batteuse jusqu'au fond de la grange où les balles des épis venaient se déposer. Les balles d'avoine étaient réservées pour la confection des paillasses pour les lits des nouveaux-nés. Les autres, mélangées aux betteraves, servaient à l'alimentation des animaux de la ferme.

    Les batteurs arrivent en vélo le matin de bonne heure et après la pause café ils sont prêts à occuper leur poste de travail.

 

    De grandes échelles dressées contre les paillers permettaient aux gars des bottes de se positionner.  Une à une elles arrivaient sur la batteuse ; le coupeur de ficelles entrait en action en étalant les gerbes libérées de leurs liens, il ne fallait pas que la machine bourre.

 

    Sur un des côtés de la machine, des sacs en jute  disposés sur des goulottes recevaient le grain. Une grande partie des sacs de blé partirait vers la coopérative agricole, en échange de quoi il était remis des bons pour avoir le pain. Cinq hommes se relayaient et portaient sur leur dos des sacs de 80 kg qu'ils allaient vider dans un grenier ; le grain servirait pour la prochaine semence et pour nourrir la basse- cour.

 

    Sur l'autre côté de la machine, un groupe d'hommes attendaient la paille. Une fois battue, celle-ci était remise en gerbe et repartait sur le monte-gerbes pour la construction du pailler. Il fallait qu'il ait fière allure ; qui aurait le plus beau pailler de la commune ?

 

     Au coup de sifflet, les hommes s'arrêtaient pour la pause. Dans une ancienne pièce, trois grandes tables étaient disposées pour les repas. Les batteurs assis sur des bancs déjeunaient de bon appétit. Les trois repas étaient copieux, à quatre heures un "miget" bien frais les attendait, avec le café et la goutte. Nous leurs apportions des cigarettes gauloises bleues disposées dans une assiette plate, et des rires fusaient pendant que d’autres mangeaient en silence, surtout le soir ;  le travail de la journée est fini et l'on prend plus son temps mais sans oublier que demain il faudra être prêt à reprendre l'ouvrage.

 

    Les « jeunes» de la maisonnée étaient chargées de porter à boire  dans le courant de la journée. Certains buvaient à même la bouteille, il fallait bien arriver à chasser toute cette poussière ! Nous en profitions pour lorgner les jeunes hommes de plus près. Lorsque la dernière botte était montée et le pailler terminé, il était coutume d’y accrocher un bouquet de fleurs (souvent des dahlias) en signe de remerciements au Créateur. Le paysan était heureux de savoir son grain à l'abri et il estimait déjà l'argent qui allait rentrer quand il le vendrait. Demain, après- demain, la batteuse  partirait dans une autre ferme et il faudrait refaire les mêmes gestes.

 

    Je suis née à la maison, le jour des batteries, j'y ai grandi, et de mes yeux de jeune, j'ai pu en garder ce souvenir.

HAUT  DE  PAGE.

La moisson avec une lieuse (de marque Amouroux) tirée par un tracteur Massey-Ferguson 37.

Les trois photos ci-dessus ont été prises à Sèvres-Anxaumont en 2013.

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Rédaction sur les battages écrite par un élève de l'école primaire de Sèvres-Anxaumont en 1955

 

    C'est un samedi matin que nous avons commencé à battre cette année.

    La machine est arrivée, tracteur devant, batteuse derrière, puis la presse et la remorque. Dans la cour assez vaste, les mécaniciens ont placé la batteuse entre deux paillers – le tracteur devant les portes de la grange, la presse en face du pailler parallèle à la largeur du gerbier. Et tout à côté, on aperçoit le parc aux bestiaux.

    Il faisait très chaud et les batteurs transpiraient à grosses gouttes, alors ils avaient souvent soif. Six hommes, grimpés sur le long gerbier, se passent les gerbes avec une fourche ; quatre autres construisent le pailler et placent régulièrement les bottes pressées ; cinq parmi les plus forts, chargent les sacs sur leur épaule, et les portent jusqu'au grenier éloigné ; deux retirent les courtes-pailles et les emportent dans le "ballin" ; encore un autre met les sacs, surveille le remplissage pendant que son voisin les pèse sur la bascule et aide à charger ; tout en haut de la machine, un seul coupe les liens avec une serpette ; à côté l'engreneur fait glisser la gerbe ; plus loin au bout des tuyaux, sortent et voltigent les "balles" que quelques uns rassemblent.

    Je regarde avec attention cette batteuse qui tourne et ces gerbes qui montent vers l'engreneur, puis je donne à boire, et par moments, je ne fournis pas. Alors, j'ai décidé d'aller chez mon camarade André pour lui dire :"Viens donc m'aider et te distraire un peu chez nous"

    Pendant le repas, tout le monde chantait, et on les écoutait avec plaisir. Il y en avait qui jouaient de la trompette, alors on essayait aussi. On a voulu monter sur les sacs, mais on en a déchiré un, et on s'est fait fâcher.

     Quelle belle journée quand même !

                      Hubert D.

                         Juillet 1955